
Personne n’est illégal ! L’Etat est illégal !
Aubépine Dahan, membre du Collectif Parisien de Soutien aux Exilé-es, et Houssam El Assimi de La Chapelle Debout, sont poursuivi.es pour avoir signé le 6 août dernier un rassemblement contre « les violences policières, le racisme d’Etat, pour des papiers et des logements pour toutes et tous », rassemblement autorisé par la Préfecture. Le jour J, les migrant-es et les personnes solidaires sont nassé.es par 27 cars de CRS pendant 4 heures et ils ne peuvent se rendre à République, lieu prévu du rassemblement. En tant que signataires, Aubépine et Houssam sont convoqué.es dès le lendemain au commissariat et immédiatement placé.es en garde à vue pendant 9 heures. A l’issue de leur retenue, il et elle sont convoqué.es au tribunal le 9 novembre pour « organisation de manifestation illicite ».
A Paris, Calais, Roya ou ailleurs, ce sont plus de 25 personnes qui sont aujourd’hui poursuivies pour leur solidarité avec les migrant.es.
Ces poursuites sont facilitées par l’Etat d’urgence prolongé le 14 juillet dernier, qui trouve ainsi son rythme de croisière. Cette mobilisation de militant.es et d’habitant.es tente de faire face à la tragédie humaine qui se joue quotidiennement à nos frontières et dans nos rues. L’année 2016, qui n’est pas encore achevée, détient le triste record du nombre de mort.es en Méditerranée selon l’ONU. 3800 mort.es.
A Calais, à l’abri des journalistes non accrédité.es, l’Etat a démantelé la jungle qui était chaque jour plus encerclée et militarisée dans une grande violence. A Paris, cet été, un « nouveau mode opératoire » a été annoncé par Bernard Cazeneuve et Emmanuelle Cosse en amont de l’ouverture du camp « humanitaire » d’Anne Hidalgo. Pour mettre fin à « l’errance éternelle des migrant.es », selon les mots de la ministre, il fallait procéder à des « opérations de police sur la voie publique » lui répond le Ministre de la Police : 28 rafles, plus de 4000 arrestations de migrant.es, plus de 500 Obligations de quitter le territoire ont été distribuées par la police (parfois en faisant croire aux exilé.e.s que c’était un formulaire pour avoir un logement), 140 personnes ont été placées en centre de rétention, et un nombre inconnu déporté vers le Danemark, la Norvège ou l’Italie qui les renvoient dans leur pays d’origine.
Pour les exilé.es cela revient à confisquer l’unique mode d’existence qui leur reste, celui de se réunir pour dormir ensemble dans la rue et s’organiser, faute d’accueil prévu pour elles et eux. La Coordination Française pour le Droit d’Asile et l’Association Service Social Familial Migrants ont souligné le caractère bien souvent illégal de ces multiples entraves au droit d’asile. Mais, le Droit importe peu quand il s’agit d’étranger.es, spécialement ceux aux dépends desquels nos privilèges européens se perpétuent. C’est peut-être justement parce que les histoires personnelles des exilé.es et les raisons de leur exil portent les stigmates de la politique étrangère de la France que l’État est à ce point déterminé à les chasser de l’espace public. C’est cette réalité, conséquence des différentes guerres dans lesquelles la France continue d’être impliquée – par des bombardements ou par le marché de l’armement – et des injustices laissées par la domination coloniale, que la présence des exilé.es suffit à révéler. Le harcèlement policier ne sert qu’à la dissimuler. Les « mises à l’abri » sur lesquelles la Préfecture communique sont
surtout des mises à l’abri des regards dans des lieux précaires ou de relégation, pour empêcher des rencontres entre personnes d’ici et d’ailleurs.
Les droits humains que l’État refuse obstinément aux exilé.es sont aussi révocables pour celles et ceux qui en disposent, si ils et elles s’aventurent à être solidaires des exilé.es dans leur lutte pour l’existence. Empêcher des personnes de se réunir et d’être visibles est un modus operandi largement expérimenté par le Pouvoir pendant la Loi Travail, à Calais ou lors des manifestations en soutien à Adama Traoré. Limiter le droit de manifester en le vidant
de sa substance ou en le noyant dans des tours de bassins est une pratique désormais commune et appliquée aux contestataires du 6 août dernier.
Ce procès, ceux passés et ceux à venir, nous montre que le sort fait aux exilé.es est celui qui nous attend si nous sortons du cadre réduit et borné de la « citoyenneté » prévue pour nous. La solidarité est tolérée aussi longtemps qu’elle se cache derrière le « contexte humanitaire » ou qu’elle se targue de défendre les droits de « victimes innocentes » sans elles. La solidarité est possible voire parfois complimentée lorsqu’elle reste simple spectatrice se substituant de temps en temps à l’État lorsque celui-ci fait défaut à ses responsabilités, fussent-elles légales. Tout ce qui excède ce cadre relève selon les pouvoirs publics de l’action de manipulateurs dangereux qui poussent les migrant.es à attaquer les CRS, et contre qui l’État veut légitimer le déploiement du même dispositif policier.
Nous ne sommes pas dupes de ces manœuvres commandées par le racisme de l’État et la haine des plus pauvres, non plus dupes du fait que la criminalisation de la solidarité sert avant tout l’agenda identitaire et sécuritaire de l’État. Un Etat qui ne peut souffrir ces volontés partout de sortir des assignations et de faire société vaille que vaille. Il faut donc frapper plus fort, affaiblir plus et diviser.
Nous ne céderons rien ! Nous réaffirmons notre désir d’exister ensemble et à égalité. Nous sommes déterminé.es à opposer une résistance concrète, pratique, et sensible, aux politiques racistes, quelque soient les masques derrière lesquelles elles se cachent.
C’est ce gouvernement qu’il faut assigner en justice pour sa manie à ériger en permanences des barrières partout entre les habitants de ce pays. Plus que jamais nous condamnons la répression que subissent les exilé.es dans l’Europe de Frontex, Serge Dassault, Viktor Orban et Manuel Valls ainsi que la criminalisation de la solidarité qui l’accompagne.
Nous invitons chacune et chacun à se tenir debout aux côtés des migrant.es plus que jamais attaqué.es par l’État et ses opérations policières. Nous demandons la fermeture des Centres de Rétention Administrative. Nous vous invitons à être solidaire de tous nos camarades convoqué.es au commissariat et poursuivi.es par la justice, d’où qu’ils et elles viennent.
Nous exigeons l’abandon de toutes les poursuites judiciaires à l’encontre de toutes les personnes solidaires, la libération des exilé.es placé.es en CRA et l’effacement des OQTF distribuées depuis le 31 juillet sur les campements parisiens.