Nous continuerons.
« Depuis deux ans, les forces de l’ordre effectuent de nombreux contrôles d’identité et de titres de séjour dans le département des Alpes-Maritimes. Ces contrôles ont lieu tant à la frontière que dans certaines villes à l’intérieur du territoire français ou dans les trains en provenance d’Italie.
Décision contentieuse qui devait être à l’origine seulement une mesure anti-terroriste après les attentats de Paris (13 Novembre 2015) et de Nice (14 Juillet 2016) 2, elle est à présent utilisée pour systématiser l’arrestation et le renvoi de migrants vers l’Italie qui s’accompagne de délits de faciès généralisés.
Au vu des dispositifs, de plus en plus de migrants choisissent de passer par les montagnes, marchant pendant des jours, dormant dans des tunnels exigus, cheminant sur des autoroutes périlleuses pour rejoindre des gares où ils se voient raflés.
C’est ici que nous, citoyens individuels de la vallée de la Roya, membres d associations
Nous nous mobilisons car :
Si l’article 20 du règlement européen relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (« code frontière Schengen ») précise que « les États peuvent exercer leurs « compétences de police », il précise également qu’ils ne peuvent le faire que dans la mesure où « celles-ci ne sont pas équivalentes à un contrôle systématique ». Or depuis plusieurs mois, c’est effectivement un contrôle continu et systématique qui est pratiqué dans les gares et aux frontières.
Nous nous mobilisons car :
Si l’article 78-2 du code de procédure pénale prévoit un « régime spécifique de contrôle d’identité dans une zone de 20 km le long de la frontière avec les États membres de l’espace Schengen » celui-ci a été élargi bien au-delà de cette distance, s’étendant jusqu’à Nice, Antibes, Cagnes-sur Mer. Nous avons été personnellement témoin de « rafles » et arrestations au-delà de ces limites, ainsi qu’une reconduction en Italie sans aucune forme de transparence juridique.
Nous nous mobilisons car :
L’article 20 de la Convention Internationale relative aux droits de l’enfant dispose que « tout enfant » privé de son milieu familial ou en danger au sein de celui-ci a droit à une protection. De même le Comité des droits de l’enfant a précisé dans ses observations générales de septembre 2005 : « les obligations qui incombent à un État en vertu de la Convention s’appliquent à l’intérieur de ses frontières, y compris à l’égard des enfants qui passent sous sa juridiction en tentant de pénétrer sur son territoire. La jouissance des droits énoncés dans la Convention n’est donc pas limitée aux enfants de l’État partie (…) et doit dès lors impérativement, sauf indication contraire expresse de la Convention, être accessible à tous les enfants − y compris les enfants demandeurs d’asile, réfugiés ou migrants »
Or, nous avons été amené à être témoins à mainte reprise du non-respect par les forces de l’ordre de ces dispositions, par ignorance ou délibérément. Nous avons été confrontés à des situations où nous avons informé les officiers du fait qu’ils avaient à faire à des mineurs étrangers non accompagnés. Ils nous ont assuré qu’ils feraient en sorte de les transmettre aux services compétents et capables de les protéger. Le jour même nous avons appris que les mineurs avaient été reconduits en Italie. Quand nous avons demandé des explications, les Gendarmes ont justifié leurs actions en expliquant qu’ils avaient remis les personnes à la Police aux Frontières et n’étaient pas responsable de la suite de la procédure.
Nous nous mobilisons car la politique incohérente des autorités amène une situation d’urgence humanitaire en Italie et à Vintimille, la dernière ville italienne avant la frontière. Différents acteurs, chercheurs, ONGs et responsables politiques ont admis que les capacités d’accueil de l’Italie en matière d’asile étaient saturés et les dispositifs d’accueils des réfugiés inadéquats.
Nous nous mobilisons car des mineurs et non mineurs sont renvoyés d’Italie en violation des droits Européens. Même si la France a arrêté les expulsions vers le Soudan, après sa condamnation par la CDHE, en renvoyant des réfugiés en Italie ils leurs font courir le risque d’être expulsé vers la Grèce ou le Soudan et participent indirectement au manquement à une disposition de droit international.
Nous nous mobilisons car :
L’article L.226-3 du Code de l’Action Sociale et des Familles prévoit que « le président du conseil départemental est chargé du recueil, du traitement et de l’évaluation, à tout moment et quelle qu’en soit l’origine, des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être. ».
Dans les Alpes-Maritimes, le nombre de MIE pris en charge par l’aide sociale à l’enfance a connu sur un an une explosion inégalée : + 727 %, avec 1 265 mineurs accueillis en 2015 contre 174 en 2014. Cela ne signifie pas une saturation de la capacité d’accueil, mais les propos de M. Eric Ciotti, Député, Président du Département des Alpes-Maritimes, montrent que les autorités compétentes refusent la prise en charge.
Loin de laisser les migrants se diriger vers d’autres départements prêts à les accueillir ils choisissent le renvoi systématique en Italie, ce qui nous oblige à intervenir.
Nous nous mobilisons car :
Le Conseil d’État rappelle « que si les requérants estiment que tel ou tel contrôle particulier a été effectué dans des conditions irrégulières, notamment discriminatoires, il leur appartient de saisir la juridiction compétente de leur cas particulier.» Or pendant la durée de cette procédure les mineurs se retrouvent dans une situation de vulnérabilité. La Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, dans son avis sur la situation des mineurs isolés étrangers présents sur le territoire national du 26 juin 2014, recommande « s’agissant du recueil provisoire d’urgence, le strict respect du délai légal de 5 jours (…) Pour la CNCDH, un recueil provisoire d’urgence excédant 5 jours non seulement est entaché d’illégalité, mais encore viole le droit du mineur à un accès concret et effectif à une juridiction » (Recommandation n° 7).
Or dans la présente situation, les mineurs se voient renvoyés dans des camps, obligés à avoir recours à des réseaux de passeurs où se retrouvent entre deux villes la nuit et donc en danger.
Nous nous mobilisons car :
Nous avons une responsabilité civique et citoyenne défini à l’article 434-3 Code Pénal : « Le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge […] de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ».
Or nous avons été témoins à plusieurs reprises d’actes de privation (lors du renvoi par les forces de l’ordre de mineurs ayant marché plusieurs jours sans nourriture) et de mauvais traitements (menaces, intimidations, violences) ainsi que d’une mise en danger (quand les mineurs sont pourchassés par l’armée à travers les ravins et collines). Dans d’autres cas, les conséquences peuvent être mortelles.
Au-delà de cette contrainte juridique, nous pensons également que nous avons une obligation morale à venir en aide à des personnes victimes d’abus juridiques, physiques et mentaux.
Nous continuerons donc d’aider des personnes vulnérables (femmes enceintes, enfants, mineurs) à passer la frontière, en les conduisant nous-même s’il le faut.
Nous continuerons de fournir nourriture, vêtements et accueil aux personnes se trouvant sur le territoire français de la Roya.
Nous continuerons de leur fournir l’information légale sur leurs droits et à les conseiller dans leur choix de destination.
Nous continuerons de les conduire dans les gares éloignés pour les aider à échapper à des rafles discriminatoires et illégales.
Nous continuerons à nous interposer lors d’arrestations illégales.
Nous continuerons d’user de tous les recours, juridique ou autre pour nous opposer à la mise en place de systèmes discriminatoires.
Nous continuerons à défendre notre droit à accueillir des personnes vulnérables chez nous et à nous opposer aux intrusions illégales et répétés des forces de l’ordre sur des propriétés privés.
Nous continuerons d’informer les médias et l’opinion publique de ces pratiques indignes d’une démocratie et d’une nation des droits de l’homme. »
Mattias Lucile Cédric pour Roya Citoyenne