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MEDIAS : LA CROIX « Dans la vallée de la Roya, les migrants trouvent refuge »

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NATHALIE BIRCHEM (dans la Vallée de la Roya, Alpes-Maritime), le 03/01/2017 à 18h37
Famille de refugiés ayant trouvé refuge chez Françoise, une avocate pénaliste.

ZOOM Famille de refugiés ayant trouvé refuge chez Françoise, une avocate pénaliste. / Vincent Wartner/Riva Press

C’est une toute petite maison perchée à flanc de montagne, en haut d’un chemin de pierres piqué d’arbustes sauvages et surmonté d’un champ d’oliviers plantés en terrasses. De là-haut, dans l’éclat métallique de la lumière d’hiver, le paysage est d’une grande beauté. Mais ce matin-là, le décor intéresse peu la quinzaine d’hommes qui se réchauffent les mains autour du feu, ou sortent, une serviette sur l’épaule, d’une des deux caravanes installées sous l’arbousier.

Des migrants fatigués venus d’Afrique

Ils viennent du Soudan, du Tchad ou du Nigeria, ont vécu l’enfer en traversant la Libye, dont ils parlent en mimant des coups, ont franchi la Méditerranée, survivant parfois à des naufrages, ont été forcés de donner leurs empreintes en arrivant en Italie. Ils sont bien fatigués.

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Il y a quelques jours, ils sont arrivés à pied de Vintimille, en Italie. Évitant l’A8 qui mène à Nice, que certains migrants empruntent en payant un passeur en camionnette, ou à pied, au risque de se faire renverser – il y a déjà eu quatre morts –, ils ont longé la voie ferrée qui part dans la montagne vers Breil. Marchant de nuit, durant huit à neuf heures, parfois sans lampe.

Pour Hassane, Tchadien de 22 ans arrivé en tongs, c’est la première tentative de passage en France. Pour Chocou, Soudanais de 20 ans, qui veut rejoindre son frère à Marseille, c’était la deuxième fois. Il y a quinze jours, il avait déjà trouvé asile dans la petite maison avant d’être renvoyé en Italie par la police française. Il essaiera, comprend-on, « jusqu’à ce que ça marche ».

Face à eux, « Vous faites quoi ? Vous passez votre chemin ? »

Devant la petite maison où s’affairent quelques jeunes bénévoles, le propriétaire des lieux, Cédric Herrou, un agriculteur de 37 ans, qui vit de la vente d’olives et d’œufs sur les marchés, acquiesce. Oui, il accueille des migrants. Plusieurs centaines depuis le printemps, dont un grand nombre de mineurs.

La plupart viennent seuls mais il lui est arrivé, jusqu’en octobre mais pas après, affirme-t-il, d’en ramener de Vintimille. « Quand vous voyez des familles avec des bébés, des mineurs dans les rues, en situation d’hypervulnérabilité face aux réseaux en tous genres, vous faites quoi ? Vous passez votre chemin ? », questionne-t-il.

Une aide risquée

En août 2016, il a été arrêté avec huit Érythréens à bord de son véhicule, puis relâché sans poursuite. À la mi-octobre, il a été mis en examen. Alors qu’il avait une cinquantaine de migrants dans son jardin, il a investi avec d’autres habitants de la Roya, regroupée dans l’association Roya Citoyenne, un site de vacances désaffecté de la SNCF pour en faire un centre d’accueil provisoire, vite démantelé par les autorités.

►Lire aussi Comment la crise des migrants a reveillé les solidarités

Ce soir-là, Pierre-Alain Mannoni, un universitaire niçois venu visiter un ami avant de s’arrêter au centre et de repartir avec trois Érythréennes blessées, a été arrêté lui aussi alors qu’il roulait sur la route principale vers Nice, qui, curiosité géographique, repasse nécessairement par la frontière italienne. « Elles avaient mal, ça se voyait sur leur visage, et là, dans le centre il n’y avait rien pour les soigner. J’aurais dû faire quoi ? »

Une solidarité mal comprise par les autorités

C’est effectivement toute la question. Pour les personnes qui ont élu, à l’issue d’une consultation lancée par Nice-Matin, Cédric Herrou « Azuréen de l’année », celui qui est devenu une figure régionale de la solidarité envers les migrants est un brave type, un héros, un Juste version XXIe siècle.

Pas pour Éric Ciotti, le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes. Début décembre 2016, il a signalé à la justice l’organisation du « passage clandestin d’étrangers à la frontière franco-italienne » par une « poignée d’activistes », de « passeurs ». La veille, près de 300 habitants de la Roya avaient déposé une plainte contre les autorités pour « délaissement des personnes hors d’état de se protéger ».

Au cœur du bras de fer : la situation des migrants mineurs qui, au lieu d’être pris en charge par les centres d’aide à l’enfance du département, conformément à la loi, sont fréquemment renvoyés en Italie, accusent les militants de la Roya.

Cédric Herrou n’est pas seul à aider

S’il est le plus médiatisé, Cédric Herrou n’est pas le seul à se démener. D’autres sont plus discrets, ne revendiquant pas le passage de la frontière mais juste une « assistance à personne en danger », comme l’explique Jean-Noël Fessy.

Lui habite Saint-Dalmas de Tende, le village plus loin. Il a d’abord commencé par s’intéresser à la situation des migrants qui erraient dans les rues de Vintimille et à coordonner des maraudes là-bas pour distribuer des repas.

Mais, raconte-t-il, « depuis que les contrôles aux frontières se sont durcis, les migrants se sont mis à tenter de passer par la montagne, de plus en plus depuis le printemps 2016. Ils suivent la voie ferrée et quand ils débarquent dans nos villages, ils sont affamés, ils ont froid, ils sont effarés. C’est comme ça que les gens ont commencé à leur donner à manger et à les laisser dormir chez eux », explique celui qui accueille régulièrement des migrants, souvent malades, dans sa toute petite maison en duplex.

L’incertain avenir de ces migrants de ces passage

Mais ensuite, que faire ? « On ne peut pas les garder chez nous éternellement », plaide Sylvain Gogois, ancien élu communiste et prof de sport retraité qui, avec sa femme, a hébergé jusqu’à onze personnes chez lui.

Début décembre 2016, la mairie de Breil a mis à l’ordre du jour une délibération pour créer un centre d’accueil provisoire. Mais la préfecture a indiqué au maire qu’elle ferait invalider cette initiative devant le tribunal administratif. La délibération a donc été annulée.

En attendant de trouver des solutions, « on les aide à continuer leur route », reprend Sylvain. Via des petites routes secondaires, Sylvain et bien d’autres covoiturent donc les migrants jusqu’aux gares voisines. Parfois aussi, ils sont emmenés ailleurs, par exemple « chez Hubert » Jourdan, dont l’association Habitat & Citoyenneté accompagne des migrants et organise leur covoiturage vers d’autres départements.

« Qu’as-tu fait de ton frère ? »

Entre ceux qui accueillent, ceux qui nourrissent, ceux qui soignent et ceux qui covoiturent, Suzel Prio, la présidente de l’association Roya Citoyenne, estime qu’« on est bien une centaine ».

Depuis quelques semaines, le P. François-Xavier Asso, 75 ans, s’est joint au mouvement. Fin octobre, cet ancien prêtre-ouvrier a rencontré, à l’occasion d’une célébration, son premier groupe de migrants.

L’un d’entre eux venait d’apprendre la mort de sa femme dans un naufrage. Le soir même, le P. Asso a lancé un appel à dons de vêtements. Un peu plus d’un mois plus tard, ce prêtre, qui aimerait que l’Église locale s’investisse plus dans l’aventure de l’accueil, a fait à manger, dans son tout petit appartement, pour sa première famille de migrants. « Devant tant de détresse, explique-t-il, très ému, on ne peut que se dire : et toi, qu’as-tu fait de ton frère ? »

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