Roya: l’Etat pousse-t-il les citoyens solidaires à la faute?
- 21 JANV. 2017 / PAR DAVID NAKACHE / BLOG : BLOG DE DAVID NAKACHE
Les nouvelles arrestations musclées, perquisitions et gardes à vue prolongées de citoyens solidaires de la Roya, dont Cédric Herrou, les 19 et 20 janvier 2017, témoignent de la volonté manifeste des pouvoirs publics de pousser à bout les désobéisseurs azuréens.
Déjà, alors que Pierre Alain Mannoni avait été relaxé, l’appel du Parquet marquait un choix délibéré et constant du gouvernement de rétablir le délit de solidarité, en dépit des promesses de campagnes et de la loi du 31 décembre 2012.
Si l’on regarde le fil des événements passés, nous sommes saisis par une posture littéralement « irresponsables » des pouvoirs publics :
- C’est le Procureur qui a fait le choix délibéré de poursuivre Pierre Alain Mannoni, ingénieur et enseignant à l’université de Nice, puis de faire appel de sa relaxe par le Tribunal de Nice.
- C’est le Préfet des Alpes-Maritimes qui a « signalé » Cédric Herrou, agriculteur, au Procureur qui a, à son tour, choisi de le poursuivre (délibéré le 10 février).
- C’est sous l’égide de ce même Procureur que l’évacuation médiatisée des locaux de la SNCF occupés pour y héberger des réfugiés, a donné lieu, en octobre 2016, à un déploiement de forces de l’ordre à l’évidence surdimensionné.
- C’est ce même Préfet, représentant de l’Etat, qui s’en est pris de façon violente et totalement disproportionnée à Yvan Gastaut, historien, pour une tribune parue dans Nice Matin (lire ma réponse ici).
- C’est le Président du Conseil Départemental des Alpes-Maritimes, mis en cause par de nombreux observateurs pour la non prise en charge des mineurs isolés (lire ici), qui s’est lui aussi fendu d’une diatribe hystérique, cette fois directement contre la presse locale, Nice Matin encore, pour l’élection par les lecteurs du journal de Cédric Herrou comme citoyen de l’année (lire ma réponse ici)
- C’est cette même volonté politique, aveugle et intransigeante qui fait que Claire Marsol, 72 ans, maître de conférence à la retraite a été condamnée à 1500 € d’amande en décembre 2015 (lire ma réaction ici), peine confirmée en appel le 2 décembre 2016 ; que Magali M., fonctionnaire, sera sur le banc des accusés le 3 mars prochain ; que Francesca Peirotti, interprète, sera jugée le 4 avril ; que Ben, photographe, sera jugé le 8 avril ; qu’Eric, photographe de presse et Marie Rose, travailleuse social, seront jugés le 24 avril ; que Françoise Gogois, René Dahon, Gibi et Dan seront eux jugés le 16 mai…
Que cherchent les pouvoirs publics au juste par ces procès successifs ? A décourager toute tentative future de solidarité vis à vis des réfugiés qui fuient dictatures, bombardements et conflits armés ?
Que cherche le gouvernement à travers les agissements du Préfet et du Procureur ? A pousser à bout les citoyens solidaires de la Roya, par un harcèlement judiciaire et policier constants, et qu’ils en viennent à des réactions violentes ? Le gouvernement espère-il que l’action de solidarité des habitants de la Roya dégénère en conflit ouvert pour crédibiliser leur action ?
La mort de Rémi Fraisse n’a-t-elle pas servie de leçons au gouvernement ? Combien de Rémi Fraisse encore ? Ceux qui nous gouvernent n’ont-ils finalement ni discernement ni conscience ?
Si des citoyens solidaires en sont venus à désobéir c’est avant tout parce que l’Etat et de Conseil Départemental des Alpes-Maritimes n’assumaient pas leurs obligations légales et restaient léthargiques face à l’urgence de la crise humanitaire à laquelle nous sommes confrontés avec l’arrivée de réfugiés.
Partout des citoyens se lèvent. Des faucheurs d’OGM aux faucheurs de chaises, des enseignants désobeisseurs aux participants à Nuit Debout et aux zadistes, jusqu’aux citoyens solidaires de la Vallée de la Roya. Partout des citoyens rappellent les idéaux démocratiques, font vivre le cœur de la République et défendent les libertés fondamentales envers et contre l’Etat, les élus sensés les représenter, les administrations aveugles s’inventant et imposant leurs propres règles.
Ces citoyennes et ces citoyens, envers et contre les pouvoirs publics, sont parfois les derniers défenseurs de la démocratie et de la solidarité.
Rappelons donc Élus locaux, Préfet, Procureur, gouvernement et Président de la République au sens des responsabilités. Ne poussez pas les citoyens à l’impasse en laissant pourrir une situation intenable où ils sont seuls et démunis face à une misère et une détresse que vous refusez de prendre en charge et pour lesquelles vous leur interdisez d’intervenir.
Ce n’est pas en criminalisant la solidarité que vous réglerez le problème : de l’écoute, du dialogue, des solutions constructives et équilibrées et un véritable volontarisme politique pour que la France soit à la hauteur de la France, pays des droits de l’Homme et du citoyen, voilà ce dont nous avons besoin.
Pour suivre l’actualité et soutenir les citoyens solidaires du 06 : https://citoyenssolidaires06.com/
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