https://www.bastamag.net/Ces-Francais-hors-la-loi-qui-distribuent-des-repas-aux-migrants-malgre-les
Témoignages Solidarité
Ces Français hors-la-loi qui distribuent des repas
aux migrants malgré les interdictions et la répression
par Claudie Rambaud, Claudine Avram, Jean-Noël Fessy 10 février 2017
Cédric Herrou vient d’être condamné, ce 10 février, à 3 000 euros d’amende avec sursis. Son délit : avoir refusé d’abandonner des migrants au bord des routes dans la vallée franco-italienne de la Roya. Sur place, la résistance ne faiblit pas. Claudine, Jean-Noël et Claudie font partie des paysans de la vallée qui, au sein de l’association Roya citoyenne, cuisinent et distribuent des repas aux centaines de réfugiés bloqués à Vintimille. « Une interdiction de nourrir les migrants est en vigueur à Vintimille, sous prétexte de normes d’hygiène, nous sommes donc hors-la-loi. » Comment s’organisent-ils face à la répression policière et judiciaire croissante ? Témoignage.
Les migrants réfugiés continuent d’affluer à Vintimille, à la frontière entre la France et l’Italie. Quand nous avons commencé fin mai 2016, ils « squattaient » d’abord à la plage, puis sous un pont routier. Sans aucune aide officielle – ni nourriture, ni sanitaire – sauf celle procurée par des jeunes volontaires venus de toute l’Europe, dont des membres du réseau « No border ». La Croix Rouge italienne (Croce Rossa) a même été renvoyée, jugée inutile par le ministère de l’Intérieur dont elle dépend. Ensuite, le Pape ayant secoué les paroissiens italiens, les migrants ont été hébergés à l’église Sant’Antonio. Des sanitaires et de la nourriture ont en partie été fournis par des associations françaises et italiennes bénévoles. Ils étaient alors déjà près d’un millier.
Un centre géré par la Croce Rossa a ensuite revu le jour à quelques kilomètres du centre-ville, d’une capacité d’accueil officielle de 350 places, uniquement pour les hommes. Une capacité largement dépassée depuis jusqu’à laisser des dizaines voire des centaines de personnes dormir dehors – difficile de vérifier car l’accès du site nous est interdit. Ces hommes sont libres d’aller et venir, bien traités, mais apparemment pas assez nourris. Il suffit de voir le nombre de mains tendues lors de nos distributions. L’église est maintenant réservée aux familles et femmes seules.
Face à cette situation, il était difficile pour nous de ne rien faire. La vallée de la Roya est à une demi-heure en moyenne de Vintimille. Des habitants, à l’initiative de l’Association Roya Citoyenne, se sont organisés pour assurer des repas distribués en maraudes chaque soir, en allant ainsi à la rencontre des réfugiés dans la ville. Ce fut d’abord cinq jours par semaine, puis chaque soir grâce à des forces extérieures venues nous rejoindre à partir de Nice et d’autres vallées de l’arrière-pays .
Nos repas sont préparés chez l’un ou l’autre par quelques cuisiniers et cuisinières de fortune. Cet été, de nombreux paysans et paysannes solidaires de par chez nous ont offert des fruits et légumes frais en grande quantité. Nous essayons depuis le début de l’hiver de cuisiner des repas consistants mais n’avons pas encore réussi à trouver des containers isothermes assez grands pour servir chaud. Puis une ou deux voitures descendent. La distribution se fait la plupart du temps à la sauvette car souvent les carabiniers italiens interviennent plus ou moins énergiquement. Cela va des contrôles d’identité jusqu’à la reconduite à la frontière pour empêcher la distribution.
Il faut savoir qu’une interdiction de nourrir les migrants est en vigueur à Vintimille, sous prétexte de normes d’ hygiène, et que nous sommes donc hors-la-loi. La municipalité oppose aussi le fait que les réfugiés sont bien nourris au camps de la Croix Rouge, ce qui est infirmé par les personnes concernées. Des tractations sont en cours avec la mairie de Vintimille pour obtenir une accréditation qui permettrait l’accès au camp, de cuisiner sur place et de servir chaud. Et aussi, très important, d’avoir le temps de discuter, échanger des sourires sans la crainte de l’ arrivée des carabiniers.
Nos maraudes sont entièrement financées par les dons adressés à notre association. Peu à peu les conditions s’améliorent, du matériel de cuisine nous est offert par d’autres associations partenaires. Depuis la trêve de Noël, les forces de l’ordre n’interviennent pas ou très peu mais les choses ne sont jamais définitives…
Nous distribuons de 150 à 250 portions chaque fois, en fonction des possibilités. Les maraudeurs font chaque soir un compte rendu par courriel pour celles ceux qui vont descendre le lendemain. Nous participons aussi à l’accueil de réfugiés qui arrivent chez nous. Notre association, Roya citoyenne, est de plus en plus connue, soutenue et aidée, mais débordée. Et puis il y a le président du département, le « Duciotti » [surnom péjoratif donné à Éric Ciotti, député LR des Alpes-Maritimes, ndlr] qui ne cesse d’aboyer. Mais la caravane passe…
Jean-Noël Fessy, Claudine Avram et Claudie Rambaud (paysannes dans la Roya)
————————————————————————————————————————————
De VINTIMILLE à CALAIS en passant par PARIS,
la même administration scélarate, indigne, déshumanisante
des réfugiés et des citoyens solidaires :
« Où est la ville refuge dont nous parle notre maire,
Anne Hidalgo ? »
Ce n’est pas difficile de trouver les noms des élus de vos arrondissements, il sont là :
http://www.mairie19.paris.fr/mairie19/jsp/site/Portal.jsp?page_id=26
http://www.mairie18.paris.fr/mairie18/jsp/site/Portal.jsp?page_id=16
http://mairie10.paris.fr/mairie10/jsp/site/Portal.jsp?page_id=72
etc.
Après il suffit de composer leur adresse : prenom.nom@paris.fr
Où est la ville refuge dont nous parle notre maire, Anne Hidalgo ?
Madame, Monsieur,
Je viens de recevoir les messages qui suivent plus bas.
Trop c’est trop.
Je viens vous demander, à vous, élus « de gauche » de la ville de Paris, quelles actions ont été engagées par la ville pour faire face à la violence sans cesse croissante des réponses -ou non-réponses- publiques qui sont opposées depuis deux ans à l’attente des personnes exilées venues chercher refuge sur le territoire parisien.
J’habite près du métro La Chapelle, où avait été dressé, on s’en souvient, l’un des premiers camps d’exilés pendant l’été 2015.
Voilà bientôt deux ans que s’expose sous nos yeux, chaque jour, d’une façon ou d’une autre, la honte de l’échec de la ville de Paris à offrir une hospitalité minimale à des personnes dévastées par la guerre et les conflits qu’elles ont fuis dans leur pays : espaces grillagés et gardés par des chiens, personnes poussées d’une friche à l’autre, déplacements et expulsions employant la force, grilles protégeant honteusement du vide quand des personnes ont été forcées de séjourner un temps sur un trottoir, pierres sans cesse plus monumentales pour empêcher qu’on s’y tienne…
Et aujourd’hui on interdit le simple acte d’offrir à manger et à boire.
Où est la ville refuge dont nous parle notre maire, Anne Hidalgo ?
Je ne peux pas comprendre, je ne pourrais pas comprendre, si c’était vraiment le cas, que les élus « de gauche » pour lesquels je n’ai cessé de voter depuis que je suis électrice à Paris n’interviennent pas face à une telle escalade de cynisme et de cruauté.
Je n’ose croire que cette violence et cette politique hallucinantes soit exercées en mon nom, au nom de tous les Parisien.ne.s que nous sommes, et qui n’ont jamais été consultés sur ces choix.
Je souhaite que cette question soit inscrite à l’ordre du jour des prochains conseils de quartier de mon arrondissement.
Je souhaite que nos élus viennent y exposer les raisons de leur(s) (non)intervention(s) face à la honte de cette politique menée depuis deux ans : d’un côté toute latitude laissée à une préfecture de police sans cesse plus inhumaine et plus violente ; de l’autre, le lâchage d’associations plus ou moins laissées à l’abandon (on l’a vu aux heures les plus froides de l’hiver), et empêchées chaque jour un peu plus dans leur action.
Comptant sur votre réaction,
je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes salutations.
Dr Federmann Georges Yoram – Psychiatre Gymnopédiste – Strasbourg
Le 16/02/17 à 13:53 [message du Collectif La Chapelle] :
ALERTE ROUGE : Après les PIERRES pour empêcher les personnes non prises en charge de dormir, INTERDICTION préfectorale de distribution de NOURRITURE devant le centre pour demandeurs d’asile dit « humanitaire » initié par Mme Anne Hidalgo !
Merci à tous les Francilien.ne.s dispos aujourd’hui, ne serait-ce qu’une petite heure, de VENIR SUR PLACE Porte de La Chapelle et – même si vous êtes hostiles à l’approche humanitaire – d’apporter de la BOUFFE car visiblement, c’est devenu un geste POLITIQUE.
Post du groupe Solidarité Migrants Wilson :
« 16/02 HONTEUX : par ordre du préfet, toute distribution de nourriture et de boisson autour du centre est désormais INTERDITE !
Après les retraits de couvertures, après les dispersions, APRÈS LES PIERRES, on passe à l’étape suivante : les migrants sont EMPÊCHÉS DE MANGER.
8H30 ce matin, alors qu’on va voir les policiers pour signaler notre présence, ils nous interdisent de distribuer. Ni devant le centre. Ni devant la déchetterie. Ni de l’autre côté du carrefour. Nulle part. Et pour faire bonne mesure, ils nous mettent deux amendes (5èmes amendes pour notre petit collectif) !
Nous avons vu, de loin, le document émanant de la préfecture, et qui détaillait toutes les localisations qui nous étaient interdites. Rassurons-nous, nous avons pu les distribuer, nos 45 litres de liquides et tous nos sacs d’invendus de boulangerie, mais dans quelles conditions ! Cachés bien au-delà du pont, sur un coin de trottoir dont on ne savait pas si on ne nous en délogerait pas encore, et où des centaines de migrants (300 gobelets partis ce matin) ont malgré tout réussi à nous trouver.
L’autre scandale c’est que désormais, c’est confirmé, il n’y a plus rien à manger ni à boire pour les migrants admis en accueil de jour à l’intérieur du centre ! Ils y passent la journée le ventre vide. Hier une famille y a été hébergée toute la journée et les bénévoles n’avaient même pas une bouteille d’eau à donner aux enfants. Et nous n’avons plus accès aux trottoirs du centre pour nourrir et réchauffer les hommes qui sont dans la file d’attente. »